Le premier objectif d’une maison passive est d’économiser l’énergie tout en garantissant un confort optimal.
Mais ceci ne concerne cependant que l’énergie consacrée à l’utilisation du bâtiment (“énergie d’exploitation”). Pour compléter le bilan environnemental, il faut également considérer l’énergie dédiée à la mise en œuvre et surtout à la fabrication des matériaux. Toute l’énergie cachée d’un produit ou d’un matériau s’appelle l’énergie grise. Par énergie cachée, on entend l’énergie utilisée depuis la fabrication du matériau jusqu’à son élimination (en excluant donc l’énergie d’exploitation).
Dans une maison passive, l’énergie liée à l’utilisation du bâtiment est très faible. La quantité d’énergie grise des matériaux représente donc proportionnellement une part plus importante dans le bilan énergétique complet du bâtiment, comme l’indique la figure 40. Bien que cet aspect ne soit pas repris dans les standards de la maison passive, il est opportun de choisir soigneusement les matériaux. Par exemple, certains isolants tels que le polystyrène permettent des économies d’énergie substantielles, mais ils requièrent aussi énormément d’énergie pour leur fabrication.
La comparaison des parois extérieures démontre que la paroi d’une construction à ossature bois, remplie avec une isolation en cellulose, présente un temps d’amortissement énergétique bien inférieur à celui d’un mur en silico-calcaire (en soi, un matériau écologiquement intéressant) isolé avec du polystyrène. En effet, l’énergie grise contenue dans la paroi massive avec polystyrène est bien plus élevée que celle de la paroi légère construite avec des matériaux d’isolation issus de matières renouvelables.
Quand on prend en compte l’énergie utilisée pour le chauffage et le contenu d’énergie grise des matériaux, on constate que dans une maison passive telle que la “Kölner Holzhaus” (maison à ossature bois avec isolation en cellulose) l’énergie nécessaire pour la fabrication des matériaux est sept fois moins importante que la quantité totale d’énergie requise par le chauffage pour un usage du bâtiment pendant quatre-vingts ans. Dans le cas de parois massives (brique silico-calcaire avec un enduit sur une isolation en polystyrène), l’énergie grise des matériaux s’élève à plus d’un tiers de la quantité totale d’énergie de chauffage pour la même période.[1]
Dans une approche traditionnelle de la construction, chaque intervenant apporte son morceau du puzzle à un moment donné du projet. L’architecte conçoit un bâtiment, les ingénieurs règlent ensuite les problèmes techniques et structurels, l’entreprise réalise le bâtiment selon les plans. Il y a souvent des défauts ou des dépassements de budget. Tels sont les résultats d’une approche fragmentaire de la construction.
Le but du “building team” est d’utiliser au mieux toutes les connaissances de tous les intervenants pendant toutes les phases de la construction du bâtiment. Sont concernés au minimum l’architecte, le propriétaire et l’entrepreneur. Le cas échéant, les ingénieurs, les techniciens spécialisés, les conseillers en acoustique, en énergie et même l’architecte paysagiste et les fournisseurs de matériaux peuvent également être impliqués.
Cette structure vise à approcher le projet dans sa globalité, non seulement par rapport à sa réalisation mais aussi par rapport à son fonctionnement. Dans la phase d’ébauche, tous les intervenants se retrouvent autour d’une table avec le client pour cerner ses desiderata, identifier les contraintes et valoriser les potentiels du projet. Dès le départ, des questions comme celles des économies d’énergie ou de la qualité de vie sont à prendre en considération aussi tôt que possible. Tous les intervenants restent impliqués y compris jusqu’à la phase de suivi et de maintenance du bâtiment. Le résultat de cette démarche intégrée est un bâtiment performant avec un prix global raisonnable qui correspond à la demande du client.[2]
Quand il projette une maison passive, le concepteur est tenu par l’obligation de se conformer aux critères de la norme. Dans le cas d’une maison basse-énergie, si on ne respecte pas à la lettre les critères d’isolation, par exemple, le bâtiment devra être chauffé davantage, mais ce n’est pas nécessairement problématique car la chaudière mise en place, qui n’est pas spécialement conçue pour ce type maison, est en fait surdimensionnée et pourra donc faire face à cette augmentation du besoin de chaleur.
Dans une maison passive par contre, la technologie de chauffage est spécifique et si la consommation excède l’estimation, on risque d’avoir des problèmes d’inconfort et de devoir modifier l’installation, ce qui entraînera certainement des frais. En effet, la maison n’a plus de système de chauffage conventionnel et l’appoint de chaleur diffusé par la ventilation est limité.
Pour aider les concepteurs dans ce travail précis de dimensionnement, l’association allemande du Passivhaus Institut a développé un programme informatique aujourd’hui adapté à la Belgique et traduit en néerlandais par le Passiefhuis-Platform : le “PassiefHuis-ProjektPakket”, ou PHPP. La version PHPP 2003 Benelux contient également les données climatiques correspondant aux différentes régions du Benelux.
Il s’agit en fait d’un tableur Excel comprenant une vingtaine de feuilles de calcul qui réalise une simulation du bâtiment en intégrant les facteurs intervenant dans une maison passive. En guise d’exemple, la feuille de résultats pour le projet de Darmstadt Kranichstein est représentée à la figure 42.
Dès le stade de l’esquisse, on peut entrer tous les paramètres du bâtiment et évaluer la situation : épaisseur d’isolant nécessaire, puissance de ventilation, surchauffe potentielle, présence de pont thermique, consommation d’énergie primaire… On réagit alors en adaptant la qualité du vitrage, en changeant la structure porteuse, en rectifiant un détail, etc. Grâce à ces simulations, on détermine la solution la plus appropriée au bâtiment.
Tous les facteurs ayant une influence mutuelle sur le projet sont donc pris en considération simultanément et scientifiquement.
[1] Thoelen, Peter, Les matériaux bio-écologiques apportent une importante plus-value énergétique ! , Valériane n°43, Nature et Progrès, Jambes, 2003 ; d’après différents articles de R. Borsch-Laaks, du Bureau de Physique du Bâtiment, Aachen, RFA, parus dans Die Neue Quadriga.
[2] Cobbaert, Bart, dossier réalisé sur la maison passive qu’il a construit à Heusden-Destelbergen, mars 2003.