2. Apports gratuits

2.1. Introduction

Même si la vocation première d’une maison passive n’est pas de maximaliser les apports d’énergie mais plutôt de minimiser les pertes, il est clair que les apports gratuits internes ou solaires ne sont pas à négliger.

Cependant, contrairement au cas d’une maison bioclimatique, par exemple, où l’orientation au Sud est un facteur déterminant, ce type de conditions n’est pas indispensable pour une maison passive [1]. On peut très bien avoir une maison passive qui soit “mal” orientée. Cette liberté permet donc de pouvoir tirer parti de situations apparemment contraignantes (chancres urbains, etc.) quelle que soit l’orientation de la parcelle. Le risque corollaire est cependant que le projet devienne un objet solitaire sans rapport avec son site. Il faut pouvoir trouver une relation signifiante au lieu.

2.2. Apports solaires passifs

2.2.1. Mettre toutes les chances de son côté

Orientation

Le soleil intervient pour dispenser lumière et chaleur. Une orientation adaptée aux contraintes du bâtiment permet ainsi de réduire les consommations de chauffage et d’éclairage. La figure 43 ci-contre illustre cet aspect en comparant les besoins annuels de chauffage d’une habitation selon l’orientation et la proportion de ses vitrages (rapport de la surface vitrée à la surface de la façade).

fig043 Figure 43 : Besoin de chauffage selon la proportion de vitrages. (Source : Gratia, Elisabeth, Concevoir avec le climat : la maison individuelle, Architecture et Climat et MRW, édition 2002)

On constate une sensible diminution des besoins de chauffage pour une orientation Sud, alors qu’ils ne cessent d’augmenter pour une orientation Nord. Cette évolution des consommations n’est valable que dans certains cas et dépend de nombreux paramètres tels que le type de vitrage, l’isolation des parois, l’inertie... L’écartement progressif des courbes reflète le bilan thermique de la fenêtre : capteur de la chaleur au sud, elle devient surface déperditive au nord.

L’orientation d’un édifice ou d’une pièce est liée à sa destination : les besoins en lumière naturelle, l’intérêt d’utiliser le rayonnement solaire pour chauffer le bâtiment ou, au contraire, la nécessité de s’en protéger pour éviter la surchauffe, et l’utilisation des vents pouvant refroidir le bâtiment en hiver ou le rafraîchir en été sont autant de paramètres thermiques importants dans le choix de l’orientation.

Cela dit, il n’est pas toujours possible de choisir l’orientation Sud. Il existe des situations où le bâtiment doit obéir à d’autres logiques, en ville par exemple, où l’architecte a quand même réussi à rendre son projet intégralement passif. C’est le cas du bureau A-Z Architekten, situé en plein cœur de Wiesbaden. Aucune fenêtre n’est orientée au sud à cause de la configuration de la rue, mais le bâtiment fonctionne quand même correctement.

fig044 Figure 44 : Bureau et habitation de l’architecte Holger Zimmer à Wiesbaden. (Source : A-Z Arkitekten)

Compacité

Dans les climats tempérés, les déperditions thermiques des bâtiments dues aux différences de température entre l’ambiance intérieure (stable) et les conditions extérieures (variables), se font principalement par conduction au droit de l’enveloppe du bâtiment. Il s’ensuit que, pour un même volume, les déperditions seront plus importantes à mesure qu’augmente la surface de l’enveloppe, dite surface déperditive. Ce rapport entre volume et surface déperditive s’appelle compacité. Pour des raisons énergétiques, l’architecte cherche à minimiser la surface de déperdition tout en maximisant le volume habitable, ce qui se traduit par une forte compacité.

fig045 Figure 45 : Augmentation de la compacité en fonction de la géométrie du bâtiment. (Source: Pour une amélioration de la performance énergétique des logements neufs, MRW, édition 2004)

A cet égard, une situation urbaine entre mitoyens est évidemment assez intéressante et contribue à une meilleure compacité car les deux murs mitoyens sont nettement moins déperditifs.

2.2.2. Rappel bioclimatique

A. Principes de régulation naturelle en hiver

1. Capter : Vitrages performants

Même non occupée et non chauffée, une maison peut atteindre une température intérieure supérieure de plusieurs degrés à la température extérieure. En effet, le soleil irradie les surfaces vitrées à raison de 50 W sur 1 m² de fenêtre (verticale) orientée au nord (rayonnement diffus) et de près de 150 W sur chaque m² de fenêtre plein sud (valeurs moyennes à Uccle, au mois de mars).[2]

Dans le cas d’une maison basse énergie, on se contente aujourd’hui d’un double vitrage basse émissivité (“low-e”), mais dans le cas d’une maison passive, un vitrage plus performant s’avère indispensable : triple vitrage low-e ou double vitrage avec film intercalaire (« Heat-Mirror »). Il faut que le bilan thermique du vitrage soit globalement positif, c’est à dire qu’il y ait plus de gains que de pertes.

2. Stocker : Inertie

En hiver et en mi-saison, lors d’une journée bien ensoleillée, une forte inertie (courbe rouge sur la figure 46) permet d’emmagasiner les apports solaires et de décaler le pic de température intérieure plus tard dans journée, quand la température extérieure sera plus basse. Une faible inertie (courbe verte), par contre, n’amortit que très peu le pic de température intérieure, qu’il ne retarde que de quelques heures seulement. L’inertie thermique agit donc comme une régulation naturelle du climat intérieur. Par contre, pour les maisons passives l’effet de l’inertie sera moins prononcé, parce que la température intérieure reste quasi constante jour et nuit.

fig046 Figure 46 : Journée ensoleillée d’hiver. (Source : Pour une amélioration de la performance énergétique des logements neufs, MRW, édition 2004)
3. Isoler et Répartir

Ces deux derniers points seront abordés en détail aux points 3 et 6 de cette partie.

B. Principes de régulation naturelle en été

1. Protéger : Protection solaire mobile ou fixe

En été, la stratégie d’hiver (capter le soleil) doit être inversée : il faut protéger la maison du rayonnement solaire.

Les façades d’orientation proche du sud sont les plus faciles à protéger. Une protection fixe bien dimensionnée (auvent, débord de toiture, etc.) est à même d’éliminer complètement le rayonnement direct d’été sans pour autant porter une ombre indésirable en hiver.

Par contre, aucune protection fixe, horizontale ou verticale, ne permet de résoudre efficacement le problème propre aux façades est et ouest, où le soleil est plus bas. Dans ces situations, une protection mobile sera de loin la plus préférable.

La végétation peut constituer un excellent pare-soleil qui ombre en été et laisse passer le rayonnement solaire en hiver (figure 47).

fig047 Figure 47 : Avantage de la végétation en été et en hiver. (Source : Optimisez votre maison, MRW, 2002 )
2. Déphaser : Inertie

En été, les apports de chaleur reçus pendant la journée pourraient conduire à une surchauffe considérable. Une bonne inertie (courbe rouge sur la figure 48) permet de stocker la chaleur reçue en journée pour la restituer pendant la nuit, lorsque la température extérieure s’est refroidie. Pour les maisons passives l’effet de l’inertie sera moins prononcé.

fig048 Figure 48 : Journée ensoleillée d’été. (Source : Pour une amélioration de la performance énergétique des logements neufs, MRW, édition 2004)
3. Dissiper : Ventilation nocturne

Pour éviter une surchauffe trop importante, la ventilation nocturne est intéressante. Elle permet de dissiper la chaleur qui s’est accumulée pendant la journée : le bâtiment se refroidit la nuit, il se “décharge”, pour être prêt à se “recharger” la journée suivante. Sans ventilation, la chaleur stockée de jour en jour rendrait les températures intérieures progressivement inconfortables.

4. Isoler

L’isolation a, en été également, un rôle important. Elle réduit les écarts de température du climat intérieur. Nous traiterons de cet aspect au point 3 de cette partie.

5. Refroidissement passif

Dans une maison étanche à l’air avec ventilation mécanique, les puits canadiens bien dimensionnés peuvent apporter un meilleur confort d’été pendant la journée (voir point 4.2.3)

2.3. Apports internes

Une partie des apports gratuits en chaleur dans un bâtiment provient de son occupation. Par occupation, on entend l’utilisation de l’éclairage artificiel, de l’eau chaude sanitaire et des appareils électroménagers ainsi que la présence même des occupants. Par exemple, pour une famille avec deux enfants en bas âge, on considère que les apports internes correspondent à une puissance de 600W, ce qui permet de réchauffer le bâtiment de quelques degrés.[3]

fig049 Figure 49 (Source : Passiefhuis-Platform)

Ces apports résultent en réalité notamment du fait que l’électricité consommée par les appareils électroménagers et par l’éclairage artificiel est finalement dissipée sous forme de chaleur (incontrôlée) au sein du bâtiment.

Dans une maison passive, l’impact des apports internes est beaucoup plus important que dans une maison conventionnelle K55. En effet, dans cette dernière, le fait d’allumer un spot ou de cuisiner ne va pas significativement modifier la température intérieure de la maison. Par contre, dans une maison passive, c’est le cas. En réponse à des journalistes sceptiques qui lui demandaient si elle n’avait réellement pas eu froid cet hiver (particulièrement rigoureux), une habitante d’une maison passive en Allemagne à répondu que, effectivement, après deux semaines de froid intense, la température avait commencé à baisser dans la maison. Elle a alors cuit un gâteau au four, ce qui a suffit à réchauffer l’air ambiant pour la semaine suivante.

Rappelons que la chaleur est gardée à l’intérieur de la maison aussi grâce à la ventilation avec récupération de chaleur.




[1]D’après une discussion avec Olivier Henz – fhw architectes, Verviers.

[2]Hauglustaine, Jean-Marie, Pour une amélioration de la performance énergétique des logements neufs, Région Wallonne, 2004

[3]Hauglustaine, Jean-Marie, Pour une amélioration de la performance énergétique des logements neufs, Région Wallonne, 2004



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