La recherche sur l’utilisation rationnelle de l’énergie (URE) dans les bâtiments a débuté dans notre pays après la crise énergétique de 1973. Tous les résultats de ces recherches démontrent clairement qu’une isolation thermique approfondie de l’enveloppe du bâtiment est, de toutes les interventions d’URE au niveau de la construction et des installations techniques, celle qui entraîne la principale économie d’énergie. Pour autant qu’elle soit correctement réalisée, on obtient en outre un meilleur confort hygrothermique. Cette conclusion repose tant sur des analyses théoriques que sur des campagnes de mesures minutieuses avant et après isolation.
Le niveau global d’isolation thermique (niveau K) caractérise la qualité thermique de l’enveloppe du bâtiment. Plus le K est faible, plus le bâtiment est isolé. Il globalise les déperditions par transmission au travers des parois constituant l’enveloppe du bâtiment en tenant compte de la compacité de celui-ci. Ce niveau d’isolation thermique se calcule selon la norme NBN B62-301. Le détail du calcul doit être annexé à la demande de permis d’urbanisme pour un logement neuf.
Depuis la crise énergétique de 1973, l’isolation des habitations a progressivement augmenté. Il faut pourtant constater que, par manque de formation, de recyclage et de guidance, sans compter l’effet des préjugés et d’autres réactions purement subjectives, on ne peut pas vraiment qualifier d’optimale cette première vague d’isolation.
Trop souvent, dans les années septante, on a donné de mauvais conseils. Pour faire la chasse aux courants d’air et aux inétanchéités, on a souvent éliminé toute forme de ventilation, ce qui a conduit à des problèmes de moisissure et une mauvaise qualité de l’air. Par la suite, la responsabilité de ces problèmes a été attribuée à l’isolation thermique, alors qu’il s’agissait d’un problème de ventilation.
La Région Wallonne possède depuis 1985 une réglementation relative à l’isolation thermique des habitations (le K70). En 1996, cette réglementation a été renforcée (K55) et étendue aux bureaux et aux écoles. De plus, des exigences sont imposées en matière de dispositifs de ventilation. Début 2004, la Région Wallonne a lancé la charte “construire avec l’énergie” qui encourage les projets atteignant un K45. Le respect de cette charte est tout à fait volontaire mais prend les devants par rapport à l’application en 2006 de la directive européenne sur les performances énergétiques dans les bâtiments.
En Région Flamande, c’est depuis 1992 qu’existent des exigences relatives à l’isolation thermique des habitations. La Région de Bruxelles-Capitale impose ses exigences en matière d’isolation thermique des bâtiments depuis 1999.
Entre 1995 et 1997, une étude a été menée en Flandre par le CSTC et le département d’architecture Sint Lucas (WenK) sur les aspects énergétiques des nouvelles constructions en matière d’isolation, de ventilation et de chauffage (projet SENVIVV lié au programme VLIET, programme flamand d’impulsion en matière de technologie énergétique). Il en est clairement résulté, entre autres, que l’introduction de normes, voire d’une législation, n’aboutissait pas nécessairement à l’amélioration souhaitée des performances.
D’une part, l’introduction des exigences relatives au niveau global d’isolation n’a visiblement pas produit, dans la pratique, une amélioration du niveau d’isolation. La figure 15 montre comment 200 nouvelles constructions en Flandre se situent par rapport à la législation. La norme K65 a été imposée en septembre 1992 et on constate qu’une grande proportion des logements sont répertoriés dans la zone rouge, c’est à dire “hors-norme”. La figure 16 montre le K moyen selon les exigences et on n’observe qu’une très faible évolution.
D’autre part, l’existence d’une norme établissant des spécifications relatives aux dispositifs de ventilation (NBN D50-001) ne signifie pas que ces dispositifs soient systématiquement présents dans les nouvelles habitations : en moyenne, on ne trouve l’un ou l’autre système de ventilation que dans 10% des habitations.
Ces conclusions, valables pour la Région Flamande, doivent être quelque peu nuancées pour la Région Wallonne où l’on remarque une amélioration sensible du niveau d’isolation thermique des bâtiments depuis l’entrée en vigueur du premier règlement thermique en 1984. La situation est également différente en matière de ventilation puisque la Région Wallonne dispose d’un règlement spécifique depuis 1996.[1]
Il est cependant évident que pour concrétiser les exigences imposées, il est indispensable de disposer d’un cadre cohérent de surveillance de la qualité, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Nombreuses sont les demandes de permis d’urbanisme comprenant un calcul de K “arrangé”…
Quand on compare la Belgique à ses voisins, il n’y a pas de quoi s’enorgueillir. Une étude réalisée par Eurima[2] compare les différents pays d’Europe en matière d’isolation. Eurima étant une association d’industriels et non de scientifiques, les calculs ont sans doute été réalisés sommairement et les résultats sont donc à considérer avec précaution. D’autre part, les techniques d’isolation peuvent varier selon les régions. Cependant la tendance générale peut être acceptée. Lorsqu’on examine l’isolation dans les murs en particulier (figure 17), on constate que la Belgique présente en moyenne une épaisseur d’isolant semblable à celle de pays méditerranéens comme la Grèce ou la Turquie! Si, pour ces pays, une faible couche d’isolant peut sembler acceptable, c’est évidemment plus problématique sous notre climat! Pas étonnant, dès lors, que la Belgique soit la championne d’Europe des pertes d’énergie par les murs (figure 18)…
Le graphique de la figure 19 représente la consommation d’énergie (chauffage, électricité, eau chaude) dans quatre types de logements belges (en Région Flamande plus précisément) : une maison ancienne pour laquelle aucune réglementation n’était d’application, la construction neuve répondant aux exigences du K55, une maison basse énergie (environ K40) et une maison passive. Le constat est clair : la maison passive, avec ses 42 kWh/m²an d’énergie finale présente une consommation largement inférieure à toutes les autres. On constatera que c’est principalement sur le chauffage que la différence se marque.
Au milieu des années quatre-vingt, les maisons basse-énergie étaient déjà le standard des constructions neuves en Suède et au Danemark. La réflexion sur l’isolation, la prévention des ponts thermiques, l’étanchéité, les vitrages et la ventilation contrôlée étaient déjà des questions prises en considération.
La Belgique n’est pas en reste puisque au début des années nonante, le projet PLEIADE (Passive Low Energy Innovative Architectural Design) a vu le jour grâce à l’action de la cellule de recherche Architecture et Climat (UCL), du CSTC, et au soutien de la Région Wallonne et d’Electrabel. Il s’agissait de la construction d’une maison entre mitoyens à Louvain-la-Neuve dont l’objectif était de consommer très peu d’énergie tout en garantissant un confort thermique élevé en été comme en hiver ainsi qu’une bonne qualité de l’air. Sur certains points, on s’approchait déjà de la maison passive (système de ventilation ou étanchéité à l’air par exemple). Par contre, les vitrages n’étaient pas très performants et l’isolation sur les mitoyens était insuffisante. A titre expérimental, deux systèmes de chauffage indépendants (gaz et électricité) avaient été mis en place : la maison PLEIADE n’avait donc pas une vocation de standardisation mais bien d’expérimentation.
L’idée de la maison passive en tant que telle est née lors d’un voyage d’étude du Prof. Wolfgang Feist (Darmstadt) en Suède et de sa rencontre avec le Prof. Bo Adamson (université de Lund). Les maisons passives ont alors été définies comme des maisons ne nécessitant pas de chauffage actif conventionnel. On s’est vite rendu compte qu’il n’était pas logique de ne s’en tenir qu’à une comptabilité de la seule énergie de chauffage et cette restriction a été ensuite élargie à tous les types d’énergie consommée.
Pour réfléchir à la construction des premières maisons passives, un groupe de travail scientifique a été fondé et financé par le ministère de l’économie et de la technique de la Hesse (Allemagne). La ville de Darmstadt a rapidement manifesté son intérêt pour accueillir ces maisons expérimentales et, en 1991, les quatre premiers logements étaient habités. Après vérifications par des mesures en tout genre, il s’est avéré que les maisons passives répondaient parfaitement à leurs objectifs. Même lors de l’hiver 1996/1997, qui a été particulièrement rigoureux, et alors que des maisons traditionnelles connaissaient des problèmes de confort, les quatre logements passifs n’ont pas augmenté leur consommation d’énergie et ont réussi à préserver une température ambiante agréable tout l’hiver. Pour l’anecdote, il est amusant de savoir que ces quatre logements étaient quand même équipés de radiateurs (qui n’ont finalement jamais servis) parce que les concepteurs n’avaient pas osé y renoncer…
La constatation que la ventilation seule est capable de fournir l’appoint de chaleur nécessaire, et l’apparition des premiers appareils de ventilation avec récupération de chaleur ont permis d’étendre en 1997 le concept de maison passive à un plus large public car cette approche était devenue raisonnable. Étant le premier du genre, le bâtiment à Darmstadt a été très coûteux puisque certains composants avaient été fabriqués pour l’occasion.
Le concept de maison passive est considéré comme un saut spectaculaire dans l’évolution des normes en matière d’économie d’énergie. En effet, l’efficacité énergétique est loin d’être insignifiante puisqu’une économie de 75% est réalisée sur l’énergie de chauffage ! De telles données semblaient a priori utopiques, mais la réalité s’est imposée et plus de 3500 bâtiments passifs ont été construits en Allemagne[3] (figure 25). Le créneau intéresse aujourd’hui également les promoteurs immobiliers, qui voient là une aubaine pour construire des appartements attractifs.
Les maisons passives sont des bâtiments qui assurent un climat intérieur confortable en été comme en hiver sans avoir recours à un système conventionnel de chauffage ou de refroidissement. Pour que cela soit possible, il est essentiel que, sous nos climats, la demande de chauffage annuelle ne dépasse pas 15 kWh/m² par an. Ceci correspond à une installation de chauffage d’une puissance maximale de 10 W/m². Ce faible besoin de chaleur peut alors être comblé par le système de ventilation, qui est de toute manière indispensable (NBN 50 001) pour garantir l’hygiène et de qualité de l’air. Cela signifie qu’une maison passive nécessite 80% d’énergie de chauffage en moins qu’un bâtiment construit avec un système classique de chauffage respectant les normes en vigueur.
Le terme de maison “passive” a été choisi principalement parce que l’usage “passif” des énergies ambiantes (rayonnement solaire à travers les vitrages) et des sources de chaleur internes (appareils et habitants) suffit à maintenir dans le bâtiment une température intérieure agréable durant toute l’année.
Les standards de la maison passive offrent donc une manière intéressante de réduire au minimum la demande énergétique des nouveaux bâtiments, répondant ainsi à l’objectif de durabilité tout en améliorant le confort des occupants. Sur cette base, il est possible de satisfaire la demande énergétique restante uniquement à partir de sources d’énergie renouvelables.
Les deux grands principes d’une maison passive sont les suivants :
Dans une maison passive, on rend plus performants des composants qui sont de toutes façons indispensables : l’enveloppe du bâtiment, les fenêtres et la ventilation. L’efficacité thermique de ces composants est améliorée jusqu’au point où un système de chauffage conventionnel n’est plus nécessaire. L’appoint nécessaire est amené par la récupération de la chaleur de l’air vicié.
La chaleur disponible dans un bâtiment est gardée à l’intérieur aussi efficacement que possible, ce qui implique une très bonne étanchéité. Les calculs réalisés d’après des modèles théoriques et de nombreux exemples construits prouvent que, dans nos conditions climatiques, une stratégie qui vise à réduire les pertes de chaleur est plus efficace qu’une stratégie qui se concentre principalement sur l’utilisation passive ou active de l’énergie solaire. Pour Norbert Egli (Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage – Suisse), « l’aspect essentiel, ce n’est pas la manière de chauffer, mais les déperditions. Mieux vaut chauffer au mazout une maison bien isolée qu’utiliser de l’énergie solaire dans une passoire ».
Principe |
Minimiser la consommation d’énergie utilisée pour le chauffage |
Norme |
Besoin en énergie de chauffage ≤ à 15 kWh/m².an |
Principe |
Minimiser la consommation totale d’énergie utilisée dans la maison (chauffage, ventilation, eau chaude, électroménager, etc.) |
Recommandation |
Besoin en énergie totale ≤ à 42 kWh/m².an |
Principe |
Minimiser la consommation d’énergie primaire utilisée dans la maison (choisir efficacement le type d’énergie utilisée) |
Recommandation |
Besoin en énergie primaire ≤ à 120 kWh/m². an |
Principe |
Orientation sud si possible pour capter un maximum de chaleur gratuite |
Recommandation |
Environ 40% de la chaleur nécessaire pour compenser les pertes de l’habitation |
Principe |
Triple vitrage Low-e ou équivalent |
Norme |
Coefficient U vitrage ≤ à 0,8 W/m²K |
Principe |
Châssis parfaitement isolés (éviter les ponts thermiques) |
Norme |
Coefficient U châssis ≤ à 0,8 W/m²K |
Principe |
Isolation extrêmement efficace pour pouvoir se passer d’un système conventionnel de chauffage (épaisseur d’isolation20 : 30cm dans le mur, 40cm dans le toit et 20cm dans le plancher) |
Norme |
Coefficient U ≤ à 0,15 W/m²K |
Recommandation |
Coefficient U ≤ à 0,11 W/m²K |
Principe |
Pas de pont thermique |
Norme |
Coefficient de transmission linéaire y ≤ à 0,01 W/mK |
Principe |
Enveloppe étanche (20 x plus hermétique que la moyenne belge) |
Norme |
Renouvellement de l’air pour n50 < 0.6 h-1 selon NBN EN 13829 |
Principe |
Ventilation mécanique contrôlée (système D). Pulsion d’air dans les espaces de vie (séjours, chambres, etc.), extraction dans les espaces sanitaires (locaux “humides”) |
Norme |
30 m³ par heure et par personne |
Recommandation |
Réglage en fonction de pollution de l’air |
Principe |
Echangeur air/air : récupération de la chaleur de l’air vicié sans contact entre les deux flux |
Norme |
Rendement effectif de plus de 80% |
Principe |
Préchauffage de l’air frais les jours très froids et refroidissement passif de l’air frais les jours très chauds via un puits canadien |
Norme |
Température de l’air neuf > 0°C |
Recommandation |
Gain de température (ΔT)> 8°C |
Principe |
Utilisation d’appareils électroménagers efficaces, d’ampoules économiques etc. Il est possible de réduire de 50% la consommation d’électricité sans perte de confort. |
Principe |
Utilisation d’énergies renouvelables puisque peu d’énergie est finalement nécessaire |
[1]Manuel pour le contrôle de l’application de la réglementation relative à l’isolation et à la ventilation, CSTC, 2000
[2]Association européenne de fabriquant de laines minérales, www.eurima.org
[3]Passivhaus Institut, Bewährt sich die Passivhaustechnik in der Umsetzung?, Darmstadt, 2003, http://www.passivhaustagung.de/
[4]Selon le point de vue actuel. Une norme européenne sera définie au cours du projet européen “Promotion of European Passive Houses” 2005-2007